Pourquoi l’inositol est recommandé chez les femmes qui tentent de concevoir un enfant?
Par la Dre Sarah Zadek ND
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L’inositol est un composé naturel fabriqué par l’organisme qui contribue aux principales fonctions métaboliques, inflammatoires et hormonales. Il est fréquemment recommandé comme supplément pour la fertilité en raison de son action sur les ovaires et certaines hormones comme l’insuline et l’hormone de stimulation folliculaire, mais quels sont exactement ses avantages et son mode d’action?
Quel est le rôle de l’inositol?
L’inositol se trouve dans les membranes cellulaires et permet l’envoi et la réception de messages spécifiques. Appelé « messager secondaire », il est un intermédiaire dans la cascade de signaux qui permet à certaines hormones d’agir, notamment la FSH et l’insuline, qui ont toutes deux une incidence sur les ovaires et la fertilité.
L’inositol assure la fertilité de plusieurs façons :
- favorise la croissance d’un ovule à chaque cycle;
- contribue à la régulation de l’ovulation;
- aide au développement de l’embryon.
Dans l’organisme, l’inositol existe sous deux formes : le myo-inositol (MI) et le D-chiro-inositol (DCI), le premier étant plus abondant, généralement dans un ratio de 40:1 à 100:1. Des quantités plus élevées de MI se trouvent dans les tissus corporels qui nécessitent beaucoup d’énergie (comme les ovaires), mais le ratio est plus faible (moins de MI et plus de DCI) dans les tissus où le glucose est stocké, comme le foie et les cellules musculaires. Le MI est également la forme la plus importante pour les ovaires, car il joue sur la FSH1 et par le fait même la qualité des ovules2.
Voyons en détail comment l’inositol contribue à la fertilité et pourquoi il est fréquemment utilisé dans la prise en charge du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).
Adapté de : Shareghi-oskoue, O., Aghebati-Maleki, L. & Yousefi, M. Transplantation of human umbilical cord mesenchymal stem cells to treat premature ovarian failure. Stem Cell Res Ther 12, 454 (2021). https://doi.org/10.1186/
Quels sont les effets de la FSH sur la fertilité?
L’hormone de stimulation folliculaire (FSH) active un groupe de follicules (ovules prématurés) à chaque cycle et stimule la croissance; l’un d’eux deviendra le follicule dominant et l’ovule libéré lors du cycle.
Par la suite, elle active l’aromatase, une enzyme qui transforme les androgènes présents dans les cellules folliculaires en œstrogène. Il s’agit d’une étape très importante, car en plus de contribuer au développement de l’ovule, les œstrogènes permettent de déclencher l’ovulation. Le taux d’œstrogènes augmente à mesure que l’ovule se développe. Lorsque ce dernier arrive à maturation en raison du taux élevé d’œstrogènes, il s’ensuit une augmentation de la lutéostimuline (LH) qui déclenche l’ovulation (libération de l’ovule).
Le développement de l’ovule et l’ovulation qui sont censés se produire à chaque cycle de reproduction peuvent être déréglés si les signaux de la FSH ne sont pas bien transmis. Le phénomène est observable en cas de SOPK et d’autres situations d’infertilité ou d’hypofertilité. Une croissance des follicules retardée ou interrompue risque d’allonger les cycles ou de nuire à l’ovulation.
Quel est le lien entre l’insuline, la fertilité et le SOPK?
L’insuline est surtout connue comme l’hormone régulatrice de la glycémie, mais elle peut interférer avec la fonction ovarienne si elle n’est pas contrôlée puisque les cellules du follicule ovarien possèdent des récepteurs d’insuline.
Par ailleurs, lorsque l’organisme est fréquemment exposé à des taux élevés d’insuline, les cellules peuvent y devenir moins sensibles et entraîner une résistance qui se traduit par un taux plus élevé dans la circulation (même après un jeûne de 8 à 12 heures pendant la nuit). La résistance à l’insuline et un taux anormalement élevé sont étroitement associés au SOPK et à sa progression, peu importe l’IMC. Une étude montre que 62 % à 95 % des femmes atteintes de SOPK, qu’elles soient minces, en surpoids, ou obèses présentent une résistance à l’insuline3.
Un taux d’insuline constamment élevé dans la circulation est problématique, car l’excédent peut se rendre aux ovaires, se fixer sur les cellules folliculaires et provoquer 1) une sensibilité accrue à la LH et 2) une production accrue d’androgènes. Une forte sensibilité à la LH signifie que l’ovulation peut être irrégulière (précoce, hâtive ou absente). Par ailleurs, des quantités excessives d’androgènes peuvent nuire au développement des follicules. Une mauvaise régulation de l’insuline peut donc entraver le développement des ovules et l’ovulation.
Comment le myo-inositol améliore-t-il la fertilité chez les femmes atteintes de SOPK?
L’inositol est un insulinosensibilisant. Lorsque l’insuline se lie aux récepteurs, elle agit comme un tunnel et déclenche une cascade de signaux qui amènent les transporteurs de glucose à la membrane cellulaire. . L’inositol renforce ces signaux en activant les transporteurs pour que le sucre passe de la circulation sanguine aux cellules. Le phénomène engendre une diminution de la quantité réelle d’insuline libérée par l’organisme, réduisant donc la quantité en circulation4.
En général, tout traitement qui réduit un taux élevé d’insuline améliore le taux d’androgènes et l’ovulation chez les femmes atteintes de SOPK. Le myo-inositol est le messager qui permet d’atteindre l’objectif en améliorant à la fois la sensibilité à l’insuline et les signaux de la FSH.
Dans une étude menée en 2009, 42 femmes atteintes de SOPK (ayant des cycles longs ou irréguliers et un taux de testostérone élevé) ont reçu soit 400 mcg d’acide folique, soit la même quantité en plus de 4 g de MI par jour pendant six semaines. À la fin, les patientes ayant reçu le MI présentaient des diminutions significatives de la testostérone libre et totale et une amélioration de la sensibilité à l’insuline5. Sur la question de la fertilité, environ 70 % des participantes ayant reçu le MI ont ovulé, par rapport à 21 % dans le groupe témoin.
Le myo-inositol peut-il être utilisé dans les cycles de FIV?
Le MI favorise la sensibilité à la FSH et peut donc être utilisé pour améliorer la réponse aux médicaments à base de FSH recombinante (FSH-r) dans les cycles de traitement comme l’insémination intra-utérine (IIU) et la fécondation in vitro (FIV) tout en permettant une diminution de la dose.
Une méta-analyse sur 935 femmes atteintes de SOPK montre que l’utilisation quotidienne de MI avant un cycle de FIV entraîne un taux de grossesse clinique beaucoup plus élevé (33,3 % dans le groupe MI par rapport à 27,6 % dans le groupe témoin)6. De plus, dans trois études faisant état de taux de fausses couches, les groupes MI présentent un taux beaucoup plus faible (5,9 % par rapport à 27,6 % dans les groupes témoins).
Le myo-inositol affecte-t-il la qualité des embryons?
La présence d’un rapport MI/DCI élevé dans le liquide folliculaire est associée à une meilleure qualité embryonnaire par rapport à des quantités élevées de DCI et à un faible taux de MI2. Le rôle du MI dans la signalisation cellulaire active notamment le cycle cellulaire qui aboutit au développement de l’embryon. En raison de ses propriétés antioxydantes, le MI peut également contribuer à réduire le stress oxydatif et les dommages.
Dans une étude portant sur des femmes de moins de 40 ans atteintes de SOPK, la prise de 4 g de MI et de 400 mcg d’acide folique pendant trois mois avant de subir une FIV avec ICSI (injection intracytoplasmique d’un spermatozoïde) a entraîné une diminution significative des doses de FSH-r par rapport à celles qui n’avaient reçu que de l’acide folique7. Le groupe MI présentait également beaucoup plus d’ovocytes matures, beaucoup moins d’ovules dégénérés et un plus grand nombre d’embryons de catégorie 1 (dont les cellules sont de taille égale et ne présentent aucune fragmentation).
En somme, le myo-inositol améliore les signaux des hormones importantes que sont la FSH et l’insuline, qui jouent toutes deux un rôle dans la fertilité. De plus, il favorise l’activation et le développement des follicules ovariens et contribue à la qualité des ovules. D’ailleurs, les effets sur la signalisation de l’insuline permettent de réduire l’hyperinsulinisme et diminuer l’interférence de tout excès sur fonction ovarienne. De telles propriétés optimisent l’utilisation du MI chez les femmes atteintes de SOPK.
Résumé des avantages du MI :
- Diminution du taux d’insuline et de la résistance
- Diminution de l’excès d’androgènes
- Amélioration de la fonction de la FSH
- Bon déroulement de l’ovulation
Références
- Nordio M, Basciani S, Camajani E. The 40:1 myo-inositol/D-chiro-inositol plasma ratio is able to restore ovulation in PCOS patients : comparison with other ratios. Eur Rev Med Pharmacol Sci. 2019 Jun;23(12):5512-5521. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31298405/
- Chiu TT, Rogers MS, Law EL, et al. Concentrations de myo-inositol dans le liquide folliculaire et dans le sérum de patientes subissant une FIV : relation avec la qualité des ovocytes. Hum Reprod. 2002 Jun;17(6):1591-6. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12042283/
- Stepto NK, Cassar S, Joham AE, et al. Les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques présentent une résistance intrinsèque à l’insuline sur le clamp euglycémique-hyperpéridémique. Hum Reprod. 2013 Mar;28(3):777-84. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23315061/
- Gambioli R, Forte G, Buzzaccarini G, et al. Le myo-inositol comme soutien clé de la fertilité et de la gestation physiologique. Pharmaceuticals (Bâle). 2021 May 25;14(6):504. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34070701/
- Costantino D, Minozzi G, Minozzi E, Guaraldi C. Effets métaboliques et hormonaux du myo-inositol chez les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques : un essai en double aveugle. Eur Rev Med Pharmacol Sci. 2009 Mar-Apr;13(2):105-10. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19499845/
- Zheng X, Lin D, Zhang Y, et al. Un supplément d’inositol améliore le taux de grossesse clinique chez les femmes infertiles qui subissent une induction de l’ovulation en vue d’une ICSI ou d’une FIV-ET. Medicine (Baltimore). 2017 Dec;96(49):e8842. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29245250/
- Ciotta L, Stracquadanio M, Pagano I, et al. Effets de la supplémentation en myo-inositol sur la qualité des ovocytes chez les patientes atteintes de SOPK : un essai en double aveugle. Eur Rev Med Pharmacol Sci. 2011 mai;15(5):509-14. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21744744/
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